L'entrepreneur Gilles Babinet est "Digital Champion", c'est à dire responsable des enjeux du numérique pour la France auprès de la Commission européenne. Il a présidé le conseil national du numérique, instance créée en 2011 par Nicolas sarkozy. Il a également contribué à deux rapports de l'Institut Montaigne, l'un sur le New Deal numérique, l'autre sur le développement des PME. Au moment où Vincent Peillon présente sa stratégie numérique, Gilles Babinet livre une analyse sans concession des ratés et des archaïsmes français en matière éducative.
Que pensez-vous de la stratégie numérique du ministère de l'Education nationale?
Ce plan trahit une erreur d'analyse. La notion même de stratégie numérique relève d'une vision que je ne partage pas sur ce que devrait être le processus pédagogique. Cela part de l'idée que l'enseignant explique ce que l'enfant doit faire avec la tablette ou le portable. Le postulat initial consistant à dire "il faut équiper tout le monde" est mauvais. Tant qu'on ne parle pas de pratique pédagogique, nous n'avancerons pas. Arrêtons de parler d'infrastructures: ça ne marche pas. Il faut dépasser ce débat.
Que préconisez-vous et quelle analyse faites-vous des difficultés de l'Education nationale à se réformer?
La Cour des comptes (qui a publié récemment un rapport sur le métier enseignant ndlr) a fait une proposition de réforme interessante. Le vrai changement dans l'Education nationale repose sur les enseignants et leur pratique pédagogique. Les politiques éducatives menées en France préservent la verticalité du système. La pratique pédagogique, elle, ne bouge pas. Bill Gates, dans une conférence Ted, a insisté sur la nécessité de mesurer et d'ouvrir les données de mesure des pratiques éducatives. En faisant cela dans le primaire, les USA ont réussi à sensiblement améliorer la qualité de l'enseignement. Faire cela en France serait une fantastique avancée, mais le système est terrorisé rien qu'à l'évocation de l'idée que des données puissent être "ouvertes".
Nous souffrons en France d'un système oligarchique, qui fabrique et maintient une élite dirigeante totalement verticalisée. Celle-ci a le plus grand mal à imaginer un modèle d'enseignement plus horizontal, plus collaboratif et plus "crowdsourcé". La chaîne hiérarchique de l'Education reflète totalement ce système vertical et rigide. Or, les technologies numérique fonctionnement de façon massivement horizontale. Je suis persuadé que l'Education nationale, telle qu'on la connait, va disparaître beaucoup plus rapidement que l'on veut bien le croire.
Que pensez-vous de la loi Fioraso sur l'enseignement supérieur?
La ministre a conservé l'autonomie des universités: c'est essentiel. L'articulation entre recherche et recherche appliquée au sein de la notion de cluster me semble également une bonne chose, tout comme l'enseignement en anglais à l'université, qui a donné lieu à des débats d'un archaïsme hallucinant à l'Assemblée! Ensuite, construire une loi en écoutant l'Unef me semble en soi une perversion. Mais passons.
La loi Peillon parviendra-t-elle à "refonder" l'école selon vous?
Il y a des intentions louables, mais l'innovation pédagogique et le droit à l'expérimentation, la mesure de la pratique pédagogique, la donnée pédagogique et la détection des meilleures pratiques devraient être au coeur du projet. Si nous descendons dans le classement Pisa, c'est aussi faute d'avoir modifié le coeur du réacteur. La responsabilité de notre pays à l'égard de l'éducation devient historique.
Doudi69 - 11/06/2013 11:45:55
La seule information qui donne espoir dans cet article est que l'éducation nationale va disparaitre sous sa forme actuelle. Mais ce n'est qu'un pronostique. Pour le reste, on continue de vouloir la rupture totale avec les racines et les traditions, ce qui va dans le sens de la promotion de ce qui s'oppose à toute forme d'héritage historique. La langue fait bien sûr partie des biens à détruire. Lorsque l'éducation nationale aura compris qu'elle doit donner à nos enfants les racines pour s'ancrer dans la vie réelle et les ailes pour se dépasser on aura progressé, la technique n'est pas le moteur de la pédagogie.
LuigiB - 10/06/2013 22:20:52
Bill Gates n'est pas du tout intéressé par l'école numérique, vous pensez bien. C'est pour ça qu'il existe un département Microsoft Education pour vendre la "classe immersive" et même un journal en ligne pour faire discrètement la promotion des produits Microsoft. Gilles Babinet - c'est le premier métier de ce "digital champion" - s'y connaît plus en sonneries de téléphone portable et en jeux publicitaires Facebook qu'en pédagogie, lui qui n'a jamais enseigné. Son lobbying commence à devenir voyant.
Lapingrognon - 10/06/2013 21:13:07
Ca sent un peu le type revanchard du système éducatif. Je vais voir sa biographie sur Wikipédia et voici un extrait : "À la suite d'un passage difficile à au collège et au lycée, au cours duquel il ne parvient pas à s'intégrer dans le cadre scolaire classique, Gilles Babinet passe son baccalauréat en candidat libre à l'âge de 20 ans". Autrement dit, il voudrait surtout faire disparaitre un système qui l'a mis en échec...
tsinapaha - 10/06/2013 21:11:52
Cet article est remarquable! Enfin des vérités et du bon sens. MAIS: Si, on se heurte à un problème de moyens énorme! Je suis Enseignante Maître Formateur à Lille, dans une école d'application qui possède 11 PC (pour une école de 110 élèves) , qui ont + de 10 ans d'âge, vaguement récupérés dans les bureaux de la mairie de LILLE .... et nous possédons UN Tableau Numérique Interactif pour UNE classe de l'école. Je suis à votre disposition si vous souhaitez prendre la mesure de ce qui se passe sur le terrain. je suis entièrement d'accord pour changer mes pratiques pédagogiques, mais jusqu'à présent, je fonctionne avec mon PC perso que je mets à disposition de mes 27 élèves, un vidéo projecteur financé par les parents d'élèves et un écran personnel .... Marie BECART
Sarbinof - 10/06/2013 15:51:11
C'est quoi ce charabia ? C'est qui ce guignol ? Qu'il apprenne déjà à s'exprimer en français avant de vouloir nous inculquer le "digital" ?
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