Il propose un café. Mais ne sait pas comment le faire. « C'est une machine avec des capsules spéciales et c'est ma femme Laure qui s'en occupe », prévient Didier Barbelivien en ouvrant les portes de son appartement pour évoquer son nouvel album « Atelier d'artistes »*, qui sort aujourd'hui. Un refuge spacieux porte d'Auteuil avec une vue imprenable : les tours de La Défense à droite, l'hippodrome de Longchamp à gauche, la forêt au milieu. « C'est l'environnement qui m'a fait craquer il y a trois ans. Sinon c'est un petit loft à deux balles. » A un peu plus sans doute. Mais, à 55 ans, l'auteur-compositeur est habitué aux grands espaces. La campagne il y a encore quelques années. L'Afrique avant tout. « Ma maison est là-bas, j'ai été élevé au Congo. Mon père y faisait de l'import-export de bestiaux.
A l'âge de 6 ans, je suis arrivé en
France. Puis j'ai acheté une baraque en Casamance. J'ai hâte d'y retourner, de me casser. » Il y a emmené quelques objets fétiches, comme ceux qui trônent dans son salon parisien. « Le juke-box, là, c'est grâce à Christophe, qui m'a donné le virus. La peinture des
Rolling Stones au mur, c'est une lithographie de Ron Wood, leur guitariste. Elle coûte cher, mais rien à côté de la toile originale qui était à 200 000 €. Pendant son expo, j'ai demandé s'il ne s'était pas trompé d'un zéro. »
« On a fait les insolents avec l'argent »
Pourtant, on ne s'inquiète pas pour le compte en banque de Barbelivien, faiseur de tubes depuis quatre décennies. Il en reprend quelques-uns dans son nouvel album : « Mademoiselle chante le blues », de
Patricia Kaas, « Il tape sur des bambous », immortalisé par Philippe Lavil, « Elle m'oublie », classique de Johnny, ou encore ses deux premiers succès historiques en 1975 et 1976 : la « Michèle », de Gérard Lenorman, et la « Petite Fille du soleil », de Christophe. « C'était fascinant pour moi, j'avais 20 ans, et les deux chanteurs les plus populaires les enregistraient, alors que des éditeurs m'avaient d'abord jeté, me disant que j'étais nul et sans talent. » Et soudain Didier Barbelivien devenait le roi du pétrole. « Tout le monde me demandait. Un jour j'écrivais pour Daniel Guichard, le lendemain j'étais en studio avec Karen Cheryl et Michèle Torr. Je rentrais chez moi, et Johnny voulait des chansons. » Il en a signé plus de 2 000 comme cela dans les années 1970 et 1980.
Entendre Barbelivien se raconter, c'est replonger dans l'indécent âge d'or du disque, loin de la crise du CD. « On a fait les insolents avec l'argent. J'achetais des Mercedes, des pianos comme des pains au chocolat, cinq guitares d'un coup. Une fois, avec Christophe, on a débarqué chez Porsche. Il avait les biftons dans les poches, et a ouvert sa veste. Tous les billets sont tombés sur le bureau. On est repartis en quelques minutes avec une voiture. On faisait des bringues pas possibles, bourrés comme des cantines, jusqu'au petit matin. Et après on me prenait pour un auteur studieux de chansons. »
Aujourd'hui, Barbelivien n'aurait plus besoin d'en écrire. « Tous ces titres me rapportent encore beaucoup d'argent. Celle qui arrive en tête, de loin, c'est les Sunlights des tropiques, toujours diffusée dans les fêtes. Elle doit générer 100 000 € de droits d'auteur par an. » Il continue pourtant à travailler, pour le prochain Sardou l'an prochain, après avoir offert quelques titres à Sylvie Vartan pour son récent album. Des nouveaux morceaux que son ami président a beaucoup aimés. «
Nicolas Sarkozy a une curiosité incroyable pour la chanson et il écoute de tout. On le réduit au mec qui est fan de Barbelivien, Enrico Macias et Mireille Mathieu, mais il est plutôt du genre à me dire : Dis donc, t'as entendu le nouveau Calogero ? »
* Didier Barbelivien, « Atelier d'artistes », Sony, 15,99 €.