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« C'est pour la pudeur »

Aminata*, lycéenne de Créteil (Val-de-Marne) portant une abaya en classe

Vincent Mongaillard | 11 Mai 2015, 07h00 | MAJ : 11 Mai 2015, 04h48
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Lycée Gutenberg, Créteil (Val-de-Marne), jeudi. Avant de franchir le tourniquet qui mène à l’intérieur de l’établissement, une jeune fille retire son foulard.
Lycée Gutenberg, Créteil (Val-de-Marne), jeudi. Avant de franchir le tourniquet qui mène à l’intérieur de l’établissement, une jeune fille retire son foulard. (LP/Yann Foreix.)

Juste avant de franchir le tourniquet menant au lycée Gutenberg à Créteil (Val-de-Marne), Aminata*, 17 ans, en classe de 2de, se dévoile. Elle range son foulard qui dissimule ses cheveux et ses oreilles, mais garde son abaya, une robe ample couvrant ses habits et effleurant ses baskets.

« C'est précieux, c'est pour la protection de la femme, pour la pudeur. Chacun l'interprète comme il veut. Mais, pour moi, c'est un vêtement religieux, c'est obligatoire. J'aime ma religion, je la respecte », confie la demoiselle, dont le sac à main noir fait office de cartable.

A l'instar de cette adolescente, elles sont une trentaine dans cet établissement d'enseignement général, technologique et professionnel à afficher en classe des jupes et des robes longues. « Dans ce lycée, c'est autorisé », souffle Aminata. Elle se dit franchement choquée par l'affaire de la jupe longue de Charleville-Mézières (Ardennes). « Je comprends qu'on soit obligé d'enlever les foulards pour éviter les conflits entre élèves de différentes confessions. Moi, je me plie à la règle, même si elle ne me plaît pas. Mais interdire de classe une collégienne pour une jupe, c'est n'importe quoi. Et puis, qu'est-ce qui prouve qu'elle ait fait ça par religion ? » interroge-t-elle.

« Avant, ça ne posait pas de problème. Et là, du jour au lendemain, ça devient gênant. Cette polémique stigmatise encore les musulmans », dénonce Nora*, en 1 re STMG (management et gestion). Sous l'oeil d'un surveillant qui, à l'entrée, vérifie, entre autres missions, que les têtes sont nues, elle détache le foulard intégré à son jilbab noir, une longue robe ample. « J'ai peur maintenant qu'on finisse aussi par me demander de l'ôter, craint-elle. On ne m'a pas forcée à porter cette tunique, c'est une initiative personnelle. Il me préserve du regard des hommes. Avec toutes les hormones qu'ils libèrent ! » sourit-elle. La lycéenne se verrait bien assistante commerciale à l'avenir. « Mais je ne compte pas vivre en France. Je veux m'installer dans un pays musulman qui tolère le voile au travail comme la Malaisie, je ne veux plus devoir l'enlever », explique-t-elle.

Dans la cour, une minibande de copines tape la causette. Tous les looks -- pantalon moulant, décolleté, jupe longue, jilbab -- cohabitent. « On se mélange, on est toutes soeurs », s'enthousiasme une ado au jean troué. « Interdire la jupe longue, c'est abuser, c'est tomber dans l'extrême. Pour moi, ça ne représente rien », enchaîne sa voisine, elle aussi en jean. De l'autre côté de la grille, Inès, elle, a opté pour le sarouel, un pantalon blousant. « C'est juste parce que c'est ample et que ça permet de cacher mes formes », décrit-elle. Aucun professeur ne lui a fait de remarques.

Dans le hall, la charte de la laïcité à l'école rappelle, dans son article 14, que « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ». « Ma jupe longue achetée chez Zara n'a rien d'ostensible. J'ai juste pas envie d'un truc serré », répète Malika*. « On n'est pas là pour convertir les autres filles. La foi, c'est quelque chose d'intime », insiste Coumba*. « Mais on sait s'adapter. Moi, en sport, je ne porte pas mon jilbab, j'enfile un survêtement ample avec un très long tee-shirt par-dessus », détaille Loubna*.

Et les garçons, dans tout ça, qu'en pensent-ils ? Aucun ne débarque en classe avec un vêtement traditionnel, un kamis par exemple, cette longue robe tombant jusqu'aux chevilles et portée parfois par les jeunes dans leurs cités. Cependant, la plupart prennent la défense des « meufs », très majoritaires à Gutenberg. « Avant, elles avaient des jupes courtes, elles étaient traitées de filles faciles par les mecs, les proviseurs exigeaient qu'elles aillent se rhabiller. Maintenant, la mode a changé, la jupe a gagné des centimètres et ça pose de nouveau un problème », s'étonne Diaby.

* Tous les prénoms ont été changés.

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