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Les tableaux blancs interactifs : fonctionnalités et pédagogie

Par Mélissa Bricault, conseillère pédagogique en intégration des TIC, Commission scolaire de la Seigneurie-de-Mille-Îles, et animatrice Récit et Marc-Antoine Parent, secrétariat technologique du GTN-Québec

Dossier de La Vitrine Technologie-Éducation

Mise en situation

Guillaume Pelletier, enseignant de mathématiques, de sciences et de technologie au secondaire, intègre le tableau blanc interactif (TBI) SmartBoard dans ses cours. Résultat: ses étudiants sont plus participatifs et ses cours plus dynamiques. Aujourd’hui, Guillaume exploite Google Maps dans son cours. Le TBI permet de présenter des ressources multimédias, ce qui améliore la compréhension des étudiants.

Source: Guide Sankoré

De plus, il lui offre la possibilité de manipuler directement les objets étudiés, parfois abstraits, de noter les observations du groupe, de compiler le tout dans un tableur accessible par les étudiants et dans lequel tous peuvent collaborer. Ces manipulations peuvent venir préparer, compléter ou renforcer une ressource de présentation, et leur sauvegarde permet de revoir la démarche afin d’ajuster le processus.

Source: Guide Sankoré

Guillaume exploite une panoplie de ressources en ligne et de logiciels dans ses cours: encyclopédies en ligne, logiciels Phet et Phun, des logiciels de simulation d’expériences de physique. L’utilisation de modèles en sciences est essentielle à la compréhension de phénomènes complexes, et le site de PhET propose une collection de modèles interactifs de toutes sortes. Ces mini-applications sont simples et efficaces. Selon la situation, on peut modifier plusieurs paramètres tels que la pression, le courant, la vitesse, etc. Comme certaines notions sont difficiles à expliquer, les étudiants peuvent manipuler les éléments, apprenant par essai-erreur, et validant ainsi leurs hypothèses.

Source: http://logicielseducatifs.qc.ca

Guillaume exploite aussi avec ses étudiants le logiciel Phun, qui laisse place à la création et facilite la compréhension de phénomènes impossibles à démontrer dans une classe. Ce logiciel gagne à être utilisé avec un tableau interactif afin d’amener les étudiants à exprimer toute leur créativité dans un espace immensément grand; ils peuvent aussi tester des concepts complexes grâce à la reproduction de comportements et de phénomènes physiques réalistes. Ils ont de même la possibilité d’inventer des machines simples ou complexes qu’ils verront réagir et interagir dans des situations réelles.

Source: Démonstration sur Youtube

Les hypothèses, observations, résultats de leurs expérimentations ou recherches sont compilés en ligne, accessibles à tout le groupe, offrant la mise en commun, le retour, l’argumentation… Certaines simulations ou explications sont enregistrées (traces et voix) afin de servir de référence, de guide et d’aide à l’apprentissage à l’extérieur du cours pour la réalisation de travaux par l’ensemble du groupe, pour les retardataires ou les absents.

Au cours du visionnement d’animations interactives ou de l’exploration de sites informatifs, Guillaume et son groupe saisissent des mots, des images, des icônes. Ces éléments seront repris dans un réseau de concepts réalisé à l’aide des logiciels CMapTools ou Freemind, ou à même le logiciel de création de leçons interactives. La démarche de création de cartes sémantiques est accomplie au TBI par une petite équipe d’étudiants qui manipulent et organisent les concepts, ou encore, par un grand groupe où, collectivement, les idées sont hiérarchisées, les liens créés. Ce travail sauvegardé et accessible à tous permet d’entreposer les données, d’y revenir pour les améliorer, de s’y référer comme aide-mémoire.

Bref, Guillaume, avec l’expérience, a appris à exploiter le plein potentiel de cet outil en l’intégrant dans ses pratiques pédagogiques. Ce pédagogue apprécie la flexibilité et la souplesse du TBI.

Études sur le terrain

Mônica Macedo-Rouet, titulaire d’un doctorat en sciences de l’information et de la communication, s’est intéressée à la première étude scientifique portant sur le TBI. Dans le cadre de cette étude, des chercheurs britanniques du Research Center for Learning and Teaching de l’Université de Newcastle ont accompagné durant deux ans des classes utilisant ou non le TBI. Il en est ressorti qu’enseignants et étudiants étaient plus participatifs et attentifs avec un TBI, l’outil rendant les cours plus dynamiques. Cependant, cette étude a aussi démontré que le TBI n’améliorait pas nécessairement les résultats aux examens. Dans un de ses articles (1), l’auteure résume les recommandations proposées par l’agence gouvernementale Becta qui a financé l’étude au Royaume-Uni afin d’utiliser le plein potentiel de cet outil technologique dans les classes:

  • comme tout autre outil technologique, il doit répondre à un besoin pédagogique
  • les alternatives [sic] au TBI doivent avoir été considérées préalablement à l’achat de cette technologie, pour vérifier que l’on a vraiment besoin des fonctionnalités spécifiques du tableau (et éviter des dépenses inutiles)
  • un haut niveau de fiabilité et de support technique doit être garanti pour minimiser les problèmes
  • les enseignants doivent investir du temps (surtout au début) pour préparer les cours
  • les idées et contenus doivent être partagés avec les collègues
  • l’accès au TBI doit être suffisamment sûr (nombre, horaires, lieu et caractéristiques d’installation, etc.) pour que les enseignants puissent réellement s’approprier cet outil
  • les étudiants doivent directement utiliser le tableau (surtout par petits groupes)

Mme Macedo-Rouet précise que la qualité de la formation donnée aux enseignants, la capacité à franchir certaines étapes d’appropriation et le temps d’expérience sont des éléments clés pour l’intégration du TBI dans l’enseignement. (2), (3)

Depuis la recherche de Newcastle, plusieurs études sont parues sur l’utilisation de cet outil en classe. Or, elles montrent que l’usage du TBI est associé à une amélioration des résultats scolaires, contrairement à ce qu’avait conclu la première étude. Ce résultat positif semble s’expliquer par le fait que les enseignants, après plusieurs années d’expérience, font un usage de plus en plus approfondi du TBI et changent leurs pratiques pédagogiques en faveur d’un enseignement plus interactif et engageant pour les étudiants. (3)

Quelle interactivité?

Quelle forme cette interactivité peut-elle prendre, dans les pratiques en classe? L’enseignant, même avec l’intégration de cette technologie dans ses cours, continue de varier ses pratiques pédagogiques afin que l’étudiant construise son savoir dans un apprentissage actif.

Ainsi, alors qu’on a pu craindre, par la nature même du TBI, un étudiant spectateur passif, on trouve en fait des étudiants médiateurs, acteurs de leurs apprentissages, curieux et jamais rassasiés des activités proposées. C’est ce trajet qui replace l’étudiant au centre du dispositif médiatique à l’école et lui permet de mieux se construire en tant qu’être social donc communicant. (4)

L’enseignant devient alors un médiateur qui intervient devant le TBI sur les stratégies d’apprentissage avec l’étudiant, une petite équipe ou le groupe en modélisant, en pointant, en orientant les apprenants sur ce qui est intéressant pour le développement des compétences et des habiletés cognitives ciblées.

Si l’étudiant qui manipule le TBI est effectivement au travail, les autres le sont tout autant cognitivement. De plus, l’organisation de la classe en ateliers et la manipulation d’outils technologiques tels que tablettes numériques, portables, etc., enrichissent la dynamique de classe, et donc les comptes rendus, les retours, conservant ainsi les traces des démarches, du processus et facilitant le partage de ressources entre pairs et collègues. Pour établir un tel climat, il est primordial que le TBI soit installé dans la classe et intégré dans la vie de tous les jours; les activités sont alors signifiantes et authentiques.

Tel que le démontrent les schémas suivants, le TBI est un outil de réflexion collective. Il a tout son intérêt lorsqu’il permet de faire réfléchir en même temps tous les cerveaux de la classe, en tenant compte des idées et des représentations de chaque personne.





Interactivité qu’amène le TBI


Les valeurs pédagogiques du TBI

Source: adapté de cartes sémantiques réalisées par des animateurs Récit, octobre 2010.

Selon l’avis des utilisateurs et les recherches, la formation et le temps d’expérimentation sont des éléments clés pour aider l’enseignant à intégrer le TBI dans ses pratiques pédagogiques.
S’il a été difficile de démontrer que les résultats des étudiants avaient changé à la suite de l’utilisation des TBI, c’est en partie parce qu’il a fallu, en effet, du temps aux enseignants pour en intégrer les fonctionnalités. Mais de quelles fonctionnalités parlons-nous concrètement?

Prise en main du TBI

Lorsque nous lisons les spécifications techniques, nous voyons un ensemble de caractéristiques dont l’impact pédagogique n’est pas immédiatement évident. Il faut dégager les fonctionnalités des TBI du point de vue de la démarche pédagogique, et voir ensuite comment les caractéristiques techniques viennent soutenir ces fonctionnalités.

Outil de présentation

La fonction la plus familière aux enseignants a d’abord été celle d’outil de présentation. Le TBI permet, en effet, de présenter tout contenu disponible sur un ordinateur : contenus Web, documents PDF, présentations, etc. De ce point de vue, le tableau se réduit à son projecteur, et le rôle magistral de l’enseignant n’est pas beaucoup modifié. Notons toutefois que le fait de manipuler le contenu à partir du tableau plutôt que de l’ordinateur permet de maintenir le contact visuel avec la classe et donc de resituer la matière, extérieure à l’enseignant, au centre de l’attention plutôt que venant d’un enseignant central, comme c’est le cas sur un tableau noir.

Techniquement, la fonction de présentation est la moins exigeante, mais il faut quand même exprimer des réserves sur la qualité de l’image projetée, sa luminosité et la difficulté de la mise au point si le tableau n’est pas fixe.

Par ailleurs, il serait en théorie possible de travailler avec n’importe quel logiciel; par exemple, les présentations pourraient être créées dans un logiciel de présentation tel OpenOffice. Mais pour des raisons que nous verrons, il demeure souhaitable d’employer les logiciels spécialisés des TBI. Alors se posent deux questions : Quels types et formats de contenus peuvent être présentés dans ce logiciel? La présentation qui les intègre pourra-t-elle être partagée avec d’autres enseignants?

Cette dernière problématique ouvre la question des formats ouverts : les principaux fabricants de tableaux blancs proposent leur propre solution de logiciel de tableau pour les présentations. Par exemple, SmartTech a créé SMART Notebook, Promethean a créé ActivInspire, etc. D’autres proposent des solutions de tierces parties : par exemple, Epson vend ses projecteurs BrightLink avec le logiciel EasiTeach de la compagnie Lightbox Education, ainsi qu’avec celui de la compagnie TeamBoard qui produit également ses propres TBI. Tous ces logiciels produisent des fichiers généralement incompatibles entre eux, bien que des passerelles existent dans certaines directions. Une autre possibilité serait d’employer toujours des logiciels ouverts. Sankoré, dérivé d’Uniboard, est un des plus avancés dans ce sens, et son format est basé sur des standards ouverts; mais certaines caractéristiques des logiciels commerciaux manquent encore à Sankoré, et la question de l’interopérabilité demeure entière.

L’ancienne Agence britannique de technologie et communications pour l’éducation, la BECTA, a demandé aux principaux fabricants de TBI de s’entendre sur une norme de partage de fichiers pour permettre d’échanger les présentations. Ces derniers se sont engagés à adopter cette norme en 2010, mais malgré une implantation de référence et un support européen, l’adoption semble limitée. Et pour cause : cette norme ne définit qu’un sous-ensemble restreint des capacités des plateformes, en se basant sur des versions tronquées de standards bien établis (SVG). Par conséquent, une présentation exportée dans ce format, aux fins d’interopérabilité, sera peut-être appauvrie par le transfert, ce qui n’encouragera probablement pas les enseignants à l’adopter.

La question du partage de ressources demeure donc entière. Pour l’instant, nous devons recommander de créer des présentations qui utilisent au minimum les capacités des plateformes et dont les caractéristiques les plus sophistiquées viennent des composantes intégrées (pages Web, etc.).

Annotation des ressources

Immédiatement après la fonction de présentation, l’annotation des ressources est la deuxième fonctionnalité prise en main par les enseignants. L’objectif est de pouvoir prendre des notes surimposées sur le contenu présenté. Il y a plusieurs variantes d’une telle fonctionnalité: à la base, il s’agit simplement d’écrire avec un crayon sur le tableau et d’enregistrer les notes. Avant l’arrivée des TBI, on obtenait un résultat comparable en photographiant un tableau blanc traditionnel. Toutefois, on perdait alors la séquence de ce qui était inscrit et que peut conserver un TBI. La plupart des TBI transposent l’activité du crayon en activité de la souris, du point de vue du système d’exploitation de l’ordinateur et c’est le logiciel qui traduit cette activité en traces graphiques enregistrées. Les traces graphiques touchent un logiciel précis; celui-ci doit donc être conçu pour prendre des traces, comme le sont les logiciels des tableaux blancs. Mais si on veut intégrer du contenu générique, la prise de notes devient plus problématique. Quelques-uns des logiciels de tableau blanc offrent l’accès à un fond transparent; il est alors possible d’annoter n’importe quel contenu venant d’une autre application vue par transparence. Il peut également être souhaitable d’appliquer un calque transparent au contenu principal du tableau blanc lui-même. Mais si le contenu sous-jacent est déplacé, ou correspond à une vue défilante, les annotations perdent leur contexte. C’est pourquoi les logiciels de TBI cherchent à intégrer du contenu venant de logiciels tiers: on veut pouvoir annoter des documents tenant sur plusieurs pages. Il y a d’autres solutions: certains logiciels, même s’ils ne sont pas conçus pour les tableaux blancs, permettent aussi de prendre des notes sur leurs documents.

Les notes les plus simples revêtent une forme propre à l’annotation de livres: souligner (ou surligner) un élément, encercler, etc. Prendre des notes écrites avec le crayon du tableau blanc exige une certaine précision dans la résolution de l’entrée de données, laquelle dépend de la technologie de tableau utilisée. Par exemple, des bricoleurs ont construit des TBI à partir d’un simple projecteur contrôlé par un crayon lumineux, mais la précision obtenue ne permettrait pas de prendre des notes écrites lisibles. La précision est d’autant plus importante si on veut transformer en texte les notes manuscrites sur TBI; la reconnaissance de caractères par l’ordinateur est encore bien fragile et sensible à la précision des données initiales.

Revenir sur le processus

La prise de notes pendant la leçon prend une autre dimension si elle permet de revenir sur le contenu traité. Ce retour a deux avantages pédagogiques majeurs: il permet d’établir un lien visuel avec de la matière déjà traitée, ce qui aide la mise en contexte; mais surtout, un enregistrement des traces écrites (et souvent sonores) de l’interaction avec la matière permet de mettre en évidence le cheminement qui a mené à prendre certaines notes et encourage donc une réflexion sur cette démarche. C’est particulièrement intéressant lorsque les traces sont celles de l’interaction d’un étudiant avec le contenu du cours, puisque ses pairs peuvent alors comparer leurs approches alors que l’enseignant peut la commenter ou la corriger1. Ainsi, l’enregistrement visuel et sonore des interactions avec le tableau blanc enrichit l’apprentissage et lui donne du sens.

Techniquement, un logiciel d’enregistrement d’écran pourrait suffire à une telle tâche, mais la plupart des logiciels de TBI offrent leur propre système d’enregistrement des traces écrites sur le tableau. (Dans le cas où ces logiciels permettent l’annotation en transparence, il importe de vérifier qu’ils enregistrent également le contenu de l’écran qu’ils ne contrôlent pas.) Ensuite, les enregistrements résultants doivent pouvoir être aisément transmis aux étudiants; la question des standards de formats se pose là aussi, mais les formats d’enregistrement vidéo sont mieux standardisés que les formats de présentation pour tableaux blancs.

TBI et résolution de problèmes

C’est à partir du moment où l’enseignant revient sur les opérations que le TBI n’est plus qu’un simple auxiliaire à l’enseignement magistral traditionnel, mais permet un retour sur la démarche et la mise en commun de stratégies. Mais pour cela, ainsi que l’ont montré les études britanniques, encore faut-il laisser les étudiants manipuler le tableau blanc et résoudre des problèmes eux-mêmes.

Comme nous l’avons fait remarquer, l’enseignant doit apprendre à varier ses approches pédagogiques et faire alterner les présentations entre lui et les étudiants, afin de leur laisser expérimenter leurs propres stratégies de résolution de problèmes; ou encore démontrer en séance plénière les démarches et résultats de leurs travaux de groupe. Une telle alternance correspond par ailleurs à l’introduction dans les classes des approches de pédagogie par problèmes et par projets; l’interaction entre les étudiants qui en résulte change la dynamique sociale, crée l’occasion d’un apprentissage par les pairs, et l’enseignant adopte un rôle de facilitateur et de médiateur.

Une telle variété de stratégies d’enseignement a également des implications sur l’organisation physique de la classe: elle exclut par exemple les rangées de chaises trop rapprochées qui entravent le chemin de l’étudiant vers le TBI. Le tableau doit être accessible à la participation des étudiants, et idéalement, la configuration de la classe devrait permettre de passer du cours magistral à des périodes de travail en groupe suivies de séances plénières, comme dans le cas de la classe du 21e siècle. Toutefois, ce cas idéal ne devrait pas empêcher les collèges d’introduire les TBI dans la plupart des classes. Le fait de reléguer les TBI dans un plus petit nombre de classes spécialement configurées pour le travail en groupe pourrait nuire à la familiarisation des enseignants et étudiants.

Ensuite, il s’agit de soutenir cette résolution de problèmes avec des logiciels appropriés. Les TBI viennent avec un ensemble d’applications spécialisées, qui offrent une panoplie d’outils permettant autant la présentation que la résolution de problèmes. Or, d’une part, la nature des problèmes varie considérablement selon la discipline, et aucun logiciel ne peut fournir des activités pertinentes pour toutes les disciplines. Ces outils génériques permettent la création de séquences de présentation de problèmes simples, à l’aide d’éléments graphiques réutilisables; ils servent aussi pour certains types d’activités spécialisées (ex.: règles, compas, traceur d’équations, etc., pour la géométrie).

D’autre part, ils permettent d’intégrer des mini-applications venant de l’extérieur pour la résolution interactive de problèmes spécialisées (ex.: applications Flash, gadgets Web, etc.). Ainsi, une bonne plateforme de TBI se distinguera, non pas tant par la variété d’activités préfabriquées qu’elle offrira, mais par sa capacité à intégrer une grande variété d’activités ou d’éléments venant de l’extérieur, d’un côté, et de l’autre, en permettant de recombiner ces éléments de façon créative.

De façon plus générale, les TBI interagissent avec l’ordinateur, et ils peuvent donc utiliser tout outil logiciel spécialisé pour une discipline, indépendamment des logiciels de présentation fournis avec eux. Mais qu’il s’agisse d’applications spécialisées indépendantes ou de gadgets Flash intégrés au logiciel de présentation du TBI, ces applications, conçues en fonction d’une interface à souris traditionnelle et non spécifiquement pour les TBI, souffrent d’être placées dans un nouveau contexte d’interaction; par exemple, elles « s’attendent » à repérer le pointeur de la souris même s’il n’est pas cliqué. Certains tableaux peuvent détecter la position du crayon même hors-contact, mais ce n’est pas une situation idéale. Il faut repenser l’interface des applications, en fonction d’une interface tactile, voire multicontact. Nous reviendrons sur ce problème.

Examinons maintenant les types d’activités possibles sur TBI, et la façon dont différents logiciels peuvent supporter ces activités.

Résoudre des problèmes à partir d’éléments fixes

Beaucoup de types d’exercices traditionnels ont été replacés dans le contexte des TBI – par exemple les blancs à remplir ou les associations; mais le TBI n’apporte rien de nouveau dans ce cas, sinon la possibilité d’effacer l’écriture d’un calque sans effacer le problème sous-jacent ou de ramener les modifications à une version antérieure. Les problèmes d’association et de mise en contexte, quant à eux, ont repris vie sur le TBI: en effet, il est aisé de déplacer des éléments graphiques pour les mettre en contexte, les grouper ou les comparer. Pour permettre cela, les logiciels de TBI offrent d’une part des banques d’éléments graphiques réutilisables, et, d’autre part, des activités d’association simple où il est possible d’intégrer ces éléments graphiques ou textuels. On peut aussi aller tirer ces éléments graphiques (ou sonores) du Web pour les assembler. Il y a alors possibilité de réaliser des activités de recherche et d’association conceptuelles beaucoup plus complexes en assemblant ces éléments, au-delà du simple exercice (ex.: en les assemblant sous formes de cartes conceptuelles).

Création et exploration guidée

La mise en contexte par déplacement d’éléments préfabriqués a ses limites comme modèle pédagogique, et certaines applications permettent d’associer des actions à certains éléments graphiques ou de recombiner ces éléments dans des formes nouvelles. Au plus simple, il s’agit de combinaisons graphiques: associer, dissocier, cloner des éléments. Certains outils de conception graphique identifient les formes dessinées: un cercle dessiné deviendra un cercle parfait, etc. Les actions consistent souvent en des hyperliens vers des pages Web ou d’autres pages de la même présentation, ou en des animations simples (ex.: faire apparaître l’objet). Au-delà de la création graphique, des scénarios plus compliqués voient les éléments se modifier lorsqu’ils sont combinés: nous entrons alors dans le champ des simulations, encore une fois spécialisées par discipline. La création de simulations est un travail d’assez grande envergure et si certains environnements-auteur permettent aux enseignants d’en développer assez simplement, ces environnements n’ont pas encore été adaptés spécifiquement au mode d’interaction des TBI. Ils évolueront certainement dans les prochaines années.

Dans la mesure où les solutions deviennent plus complexes et donc plus personnelles, il peut se révéler pertinent de permettre à plus d’un étudiant de contribuer à des réalisations et d’en partager les résultats sur le TBI. Certains logiciels offrent ainsi le partage d’écran entre l’enseignant et les étudiants; d’autres systèmes permettent aux étudiants de manipuler le contenu du tableau avec une tablette numérique sans fil, sans se déplacer, ou comportent des télévoteurs permettant d’évaluer des options en cours d’élaboration et de valider la compréhension.

Création collective

De telles techniques permettent d’envisager des scénarios de création collective; une plateforme idéale permettrait aux éléments de faire des allers-retours entre des ordinateurs individuels et un TBI. Mais nous sommes très loin d’une telle plateforme; le partage d’écran permet de projeter le contenu d’un écran ou de l’autre, mais pas de combiner les travaux ni de travailler à plusieurs sur un même objet. Une des raisons fondamentales est que les ordinateurs sont restés, jusqu’à tout récemment, prisonniers du paradigme de la souris, où un seul pointeur manipule les données.

Cette dynamique se modifie actuellement, car l’entrée en force sur le marché grand public des écrans tactiles de téléphones et tablettes a mené les concepteurs de systèmes d’exploitation à accepter des données multicontacts et à concevoir des interfaces qui peuvent en tirer parti. Toutefois, les interfaces sont centrées sur le cas d’utilisation d’une gestuelle à plusieurs doigts pour un seul usager. L’emploi d’interfaces multi-utilisateurs, multicontacts semble naturel pour les TBI, mais seuls quelques-uns d’entre eux sont capables de détecter plusieurs points d’entrée simultanément – par exemple, deux points d’entrée pour les modèles récents de SmartBoard.

Source: Guide Sankoré

Pendant ce temps, d’autres communautés prennent de l’avance sur la question de la standardisation des interfaces multicontacts: en particulier des communautés autour des tables interactives, dont celle du standard TUIO, qui tente de standardiser les aspects techniques d’une interface multicontact, permettant ainsi de connecter toutes sortes de périphériques d’entrée; et le groupe NUI qui travaille sur les aspects d’interface utilisateur. Il y a fort à parier que la double influence des interfaces tactiles et des tables interactives modifiera le paysage des interfaces sur les TBI dans un avenir proche; très certainement, pour tout achat, on devrait prendre en considération la capacité d’un TBI à détecter des interfaces tactiles multicontacts.

Par contre, même sans interface multi-usager ou multicontact, la création collective est déjà un état de fait sur les TBI; les étudiants sont prêts à manipuler le contenu chacun leur tour ou plus simplement à collaborer à enrichir le contenu pendant qu’une seule personne manipule le tableau. Rien n’empêche d’échanger des données même sans le support des outils: des ressources trouvées sur le Web peuvent être envoyées à la personne au tableau avec, par exemple, un outil de clavardage. (Cela à condition d’avoir des ordinateurs connectés en réseau, ce qui n’est pas toujours le cas.) De même, sans partage d’écran, des outils Web 2.0, tels que GoogleDocuments, permettent l’édition simultanée de textes ou de graphiques. Les étudiants et enseignants peuvent faire énormément avec les outils existants, à condition d’avoir le temps et la liberté de se familiariser avec eux.

Fonctionnalités

Fonctionnalités des logiciels
Compagnie Sankoré SmartTech Promethean TeamBoard Lightbox Education Mimio eInstruction
Logiciel Sankoré SMART Notebook ActivInspire TeamBoard Draw Easiteach (Windows) Mimio Interwrite Workspace
Version 3.1 10.6.238.3 1.5.33840 9.1.0 pour Epson (Mac)2 1.2.0.5176 7.10 5.59.0007
Version française Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Aspects de présentation
Licence Libre Propriétaire. Version étudiant disponible Propriétaire Propriétaire Propriétaire Propriétaire Propriétaire, version limitée gratuite
Format natif Sankoré (dérivé de SVG) Smartboard notebook (contient du SVG) ActivInspire (.flipchart) TeamBoard Draw (.tmb) Easibook (.etng) Mimio (.ink) Interwrite (.GWB)
Importation PowerPoint, PDF, extraits Web PDF SmartBoard notebook, PDF Graphiques, scan Graphiques, Becta Common file format Mimio, Smart notebook, Promethean flipboard, Becta Interactive Whiteboard, Office, PDF, Blackboard N/A
Exportation (interopérabilité) Uniboard (.ubz) N/A SmartBoard notebook N/A Becta Common file format (.iwb) Becta Common file format (.iwb) N/A
Annotation des ressources
Calques transparents Oui Non Oui Non Oui (interne) Oui Non
Formats défilants annotables Non Non Non Non Non Importation par impression Non
Reconnaissance d’écriture Non Oui Oui Non Dépend du système d’exploitation Non Oui
Revenir sur le processus
Enregistrement des notes Oui Oui Oui Oui Statiques Oui Oui
Prise de photos Non Oui Non Non Oui Non Non
Enregistrement audio Oui Non Oui Oui Oui (comme éléments) Oui Oui
Exportation (pour diffusion) PDF Web, Image, PDF (statique) ou SmartTech notebook protégé (dynamique) Vidéo (.mov) ou graphiques TeamBoard Record (.tmr) avec audio (.wav) images, PDF Web, Images, PDF Vidéo (.mov), HTML, PDF, JPEG, Interwrite (.GWB)
Résoudre des problèmes à partir d’éléments fixes
Banque d’images Limitée Riche Oui Oui ? Limitée
Intégration d’éléments fixes externes Graphiques, vidéos, extraits de pages Web Graphiques, vidéos, fichiers Graphiques, fichiers Non Graphiques, vidéos, audio, fichiers Graphiques, documents, audio, vidéos, flash Graphiques, audio
Banque d’activités Questions d’appariement Questions à choix multiples, numériques, … Riche Non Semble riche – format basé sur Flash. Réduite Nombreuses activités flash
Remise à zéro sélective Non Effacement sélectif des annotations Non Non
Intégration de gadgets externes Widgets W3C, Flash Flash Flash Non Flash, Fuse Creator Flash Flash
Création d’activités Non, mais formats standards Animation simple d’objets sdk pour programmeurs : flash, .net, natif windows et mac Non Actions liées aux objets graphiques Non Non
Création guidée
Dessin vs objets graphiques Dessin, quelques objets graphiques Graphiques Objets graphiques (édition conviviale) Objets graphiques Graphiques Graphiques Graphiques
Associer/dissocier Non Oui Oui Non Oui Oui Non
Clones uniquement les activités Oui Oui Oui Oui Oui Non
Reconnaissance des formes Non Oui Oui Non Oui Non Non
Actions sur les objets Non Animations simples, hyperliens (Web, interne, documents), sons Très riche Hyperliens (Web, interne, courrier, documents), visibilité Animations, hyperliens (Web, interne, documents), outils hyperliens (Web, interne), Clone, sons Non
Simulations Non Dans les activités Dans les activités Non Dans les activités (avec les actions?) Non Dans les activités
Création
Capture de documents Web Capture d’écran Capture d’écran Scanner Non Oui, via impression Capture d’écrans
Création collective
Contrôle à partir d’autres outils Non Système de réponse interactive Système de réponse interactive (télévoteurs et outils d’entrée texte sans fil) Non Non Outils d’entrée sans fil, tablettes à distance et télévoteurs Non
Communication Non Communauté d’activités Entrée texte par ActivExpression Non Non Entrée graphique Non
Multitouche Non Deux usagers Deux usagers Non Simple Non Non

Voir également des évaluations de ces logiciels éducatifs, et d’autres ressources en ligne sur le site http://logicielseducatifs.qc.ca/

Appropriation des TBI par les enseignants…

Ainsi, cette panoplie de fonctions, venant soutenir des modes d’utilisation du TBI qui laissent de plus en plus d’espace à l’étudiant, exige une maîtrise croissante de la part des enseignants. Une telle maîtrise ne peut être acquise instantanément, et la formation, l’accompagnement et les communautés de pratique sont ici des éléments clés. Par l’investissement et l’expérience, l’enseignant traversera différentes phases d’appropriation:

une première phase d’initiation, centrée sur la présentation et l’annotation de ressources existantes; une deuxième phase d’appropriation, centrée sur l’exploration des activités préconçues, la participation des étudiants et le retour sur les démarches; enfin, troisième phase, une fois l’outil maîtrisé, l’enseignant, créant à partir de la page blanche avec ses étudiants, l’utilise pour une réflexion collective et l’intègre en tant qu’outil d’apprentissage. Il exploite les ressources en ligne, fait des liens avec son enseignement, établit une culture de réseau, reconstitue le raisonnement de l’apprenant en observant le déroulement de sa manipulation et favorise le lien école-maison en déposant dans le portail des traces, des capsules, des annotations réalisées en classe. Il comprend également l’importance de partager ses ressources avec ses collègues enseignants en communauté de pratique.

…et les apprenants

Marc Deloménie, un enseignant qui a utilisé le TBI en classe durant plusieurs années, démontre que ce n’est pas tant l’objet technologique qui a des répercussions sur l’apprentissage des étudiants, mais l’environnement qui est généré par l’utilisation de cet outil. Il présente les trois axes dans lesquels se situe l’utilisation du TBI pour l’apprenant: sociocognition, métacognition et conceptualisation. (4)

En lien avec l’axe sociocognitif, il mentionne que de pouvoir observer une pensée différente se dessiner sous ses yeux et de revenir plus tard la voir pour essayer de la comprendre, voire la faire sienne, fait vraiment partie des avantages du TBI.

En ce qui concerne la métacognition, il est plus facile de créer du dialogue et d’échanger avec un TBI qu’avec un tableau conventionnel; le fait de pouvoir réfléchir et de communiquer oralement sa démarche avec une posture, une gestuelle et des interactions différentes favorise la communication.

M. Deloménie mentionne que l’apport le plus significatif du TBI à l’école se vérifie surtout quand il permet de recentrer, au cœur du processus d’apprentissage, les interventions pédagogiques. Pour définir l’axe de conceptualisation, il précise ses utilisations:

  • confrontation des recherches et des points de vue, travail d’échanges d’idées et d’argumentations
  • permettre à chacun de s’exprimer, d’argumenter, et au groupe de construire une synthèse qui prendra en compte les apports de chacun;
  • manipulations proches du réel qui donnent du sens à l’apprentissage;
  • organiser et réorganiser sa pensée, construction de nouveaux savoirs, de nouveaux concepts.

Bref, selon cet auteur, le TBI facilite et favorise l’intégration des TIC dans l’enseignement et permet de gagner un temps précieux, réinvesti en classe dans des séances d’apprentissage riches et variées.

De plus, avec l’ère des réseaux sociaux, les jeunes communiquent, partagent, composent et accèdent de plus en plus aux ressources à l’extérieur des heures de classe. Le temps de classe se libère donc pour l’échange et la création; or le TBI peut être le point de convergence de ces échanges, tout comme il est une passerelle pour diffuser la matière au-delà du contexte scolaire. Dans une classe idéale, et avec l’évolution des plateformes, tous les étudiants auront accès à des tablettes numériques et pourront interagir facilement par l’intermédiaire du TBI pour annoter, partager et créer collectivement. Une culture de réseaux s’installerait en classe, impliquant ainsi le jeune dans la construction de ses apprentissages, accédant à une fenêtre ouverte sur le monde d’aujourd’hui et sur toutes les sources de savoirs.





  1. Notons toutefois qu’aucun système, à notre connaissance, n’identifie les auteurs des annotations s’il y a plusieurs auteurs, ce qui nous semblerait important pour faciliter la correction sur tableau blanc. ↩

  2. La version offerte par Epson semble nettement plus limitée que celle qui peut être achetée séparément de TeamBoard. Celle-là lit, entre autres, les fichiers BECTA. ↩


Bibliographie

[1] Mônica Macedo-Rouet, Enseigner et apprendre avec le tableau blanc interactif, Agence des usages TICE, 18 septembre 2006.

[2] Mônica Macedo-Rouet, L’usage du TBI: formation et étapes à franchir, Agence des usages TICE, 30 avril 2010.

[3] Mônica Macedo-Rouet, L’usage du TBI: une amélioration des résultats des élèves, Agence des usages TICE, 9 avril 2010.

[4] Marc Deloménie, Utilisation du TBI: premier bilan et des perspectives, site personnel, 20 mai 2007.

[5] Michael Thomas, Interactive Whiteboards for Education: Theory, Research and Practice, Nagoya University of Commerce and Business, Japon, 2010.

[6] Stéphanie Burton Monney et Laurent Jauquier, Enseigner avec les tableaux blancs interactifs, 2010.

[8] Learning, Media and Technology, numéro spécial sur les TBI, vol 32, no 3, septembre 2007.

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